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Lettre à Maria.

par Maria Madeus

publié dans lettres

Alors tu penses, à ce moment, que tu peux tout dire. Tu penses que tu es libre d'avouer tes secrets et tes pires méfaits. Tu le penses sincèrement, et tu crois que tout va s'arranger, qu'une fois le crime avoué, il pourra être dépassé. Au fond, tu espères qu'avouer fera oublier, même si rien ne pourra s'effacer. Tu voudrais qu'une fois le secret dévoilé, tu seras lavée de tout, comme si les secrets n'étaient que des taches à enlever au savon et à l'eau.

Le problème, à ce moment, est la peur que tu éprouves malgré toi. Tu ne sais plus à qui ou à quoi te fier, et tu espères trouver une solution miracle. Tu as devant toi la possibilité de te débarrasser de ta gène, de l'envoyer balader dans la tête d'un autre, et d'être parfaitement soulagée. Mais oublieras-tu vraiment la peine ? Oublieras-tu ce qui te gène, comme si cela n'avait pas d'importance ? Oublier, c'est un grand mot, et personne ne sait véritablement l'utiliser. Oublier, ne plus y penser, effacer. Tout cela ne concerne que les plus grandes insignifiances : les premiers gâteaux ratés, les rencontres uniques et hasardeuses dans les rues... Tout ce qui ne compte pas. Et toi, tu sais que ta peine ne te quittera pas, tu en as peur. Oublier ne fait pas partie de toi.

Alors, à défaut d'un oubli, tu te concentres sur autre chose. Un regard à l'autre bout de la pièce, un sourire sincère, une son de voix. A défaut d'oublier tu préfères remplacer. D'une douleur sourde et angoissante, à un picotement au creux de ton coeur, plus doux, plus sucré. D'un manque brut, à un désir naissant, constitué de regards et de souvenirs récents. Tu te forces à revoir toutes ces images, à entendre ces rires dans le silence le plus complet, et tu souris de nouveau. Au lieu d'oublier l'être, tu oublies le lien, et tu construis, dans ton petit coin, un lien avec d'autres êtres. Et tu te sens presque rougissante en sentant un peu d'admiration se transformer en un amour encore faible et fragile. Tu te surprends à aimer cet état nouveau qu'est le tien, un état rêveur, un peu naïf, qui n'attend rien du néant, et qui vit, qui tente de vivre le moment présent comme on le lui tend.

Oublier, finalement, n'est pas un problème. Tu sais que tu finiras par ne plus y penser. En attendant, tu savoures lentement ta condition d'amoureuse en puissance, et te satisfais pleinement d'un malaise général accompagné du plaisir envoûtant de ce qui n'est pas encore né. Tu te sens coupable d'observer sagement, mais tu te plais à cacher ces yeux qui meurent d'envie de rire, et te mords les lèvres pour ne pas sourire en croisant le regard de l'autre. Alors, tu sais que tu iras bien. Le manque n'est pas non plus un problème, et oublier est le dernier de tes soucis. Gardant en tête un peu de ta gêne, tu sais que tu veux plus de regards, tu sais que tu veux plus de rires, les yeux dans les yeux, les joues roses, l'esprit enfin occupé.

Prises en otages tes pensées, balayées les idées noires, tu mets en mémoire ton histoire. Et tu crois fiévreusement que l'avenir te sourira.

 

Maria

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