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La vie ne rime à rien.

par Gabonia Maria Madeus

publié dans Vie , lettres

(Attention, cet article est le même que celui posté sur le blog principal : http://mariamadeus.overblog.com !)

La vie ne rime à rien.

Ca fait un moment que je n’ai pas écrit, ici. Ca fait un moment que je n’ai pas écrit tout court, en fait. Ma vie ressemble un peu à un champs de ruines, et il faut sortir des décombres ce qui peut être sauvé. L’envie a été sauvée. Mais le sentiment d’être capable de faire les choses s’est barricadé six pieds sous terre. Depuis, on ne retrouve plus la clé du sous-sol.

Quand je dis que l’envie a été sauvée, j’exagère un peu. Je ressens cette envie d’écrire. J’ai envie de raconter des histoires, de faire vivre ces personnages que j’ai déjà créé et qui sont mes amis. J’ai envie de voir des gens sourire en me lisant, ou pleurer, ou rire, ou juste voir leurs yeux qui ne comprennent pas trop où je veux en venir. J’ai envie qu’on me dise que c’est intéressant, ou peut-être que c’est nul, mais au moins, on me dira quelque chose et je pourrai m’en servir… J’ai envie de penser ainsi. J'ai envie, mais c'est compliqué. J’ai envie. J’ai envie de plein de choses, si vous saviez. J’ai envie d’aller me balader en Ecosse, j’ai envie de faire du vélo sur les bords de Loire, j’ai envie de rencontrer des gens, des poètes. J’ai envie de sourire, et de danser, j’ai envie de faire du sport et de bien manger. J’ai envie de m’assumer, de prendre soin de moi et de m’aimer… Et j’ai envie de lire. J’ai envie d’être capable de dévorer des livres de tous horizons, et la liste des livres achetés depuis deux ans est longue… Mais je n’arrive jamais à les ouvrir, ou bien je n’arrive jamais à les finir. Pourtant j’ai envie. J’ai envie.

Mais je suis là, sur cette chaise noire qui ne vient pas d’Ikéa, et je pense. Je pense à tout ce que je ne fais pas, et tout ce que je n’ai pas fait. Je pense à ce qu’on m’a dit, à ce qu’on m’a fait, mais surtout à ce que personne n’a jamais pensé à me dire, à me donner. Je pense à l’amour, et à l’amitié. Je pense à la vie, et je me laisse bercer par l’immensité. Je regarde les étoiles, et je me dis que je suis bien trop petite, que je suis minuscule, impuissante et, à quoi bon ? Je ne comprends pas comment ça marche, et ça m’énerve beaucoup trop. Je pense à tous ces pays dirigés par des gens qui vont mourir comme nous tous un jour, je pense à leurs études, à leurs carrières, je pense à ce qu’ils nous font, à nous tous qui sommes tout en bas… Et je ne comprends pas. Qu’est-ce qu’ils font ? Où est-ce qu’ils vont ? C’est quoi le but de tout ça ? On tente de survivre à la crise, de se sortir la tête de l’eau, la Grèce, les Banques, la Syrie, le terrorisme, l’Europe, la famine en Afrique et Ebola, Noël, Pâques et la Toussaint… J’y pense et que me demande à quoi ça rime tout ça. La compétitivité, faire de plus longues études, cumuler les diplômes, être le meilleur des meilleurs, se vendre, s’afficher, avoir l’air professionnel, mentir par omission… J’y pense, et ça me paralyse. Il y a certaines personnes qui font tourner le Monde, qui font que l’engrenage complexe de notre société tourne encore. Mais où est-ce qu’on va comme ça ? J’y pense, moi, je me demande pourquoi la compétition, pourquoi la domination, pourquoi nos pays se sont tapés dessus, pourquoi d’autres s’entretuent, pourquoi ? Et plus j’y pense, moins je comprends et en même temps plus j’y pense, plus je comprends qu’il n’y a rien au bout, et que c’est une machine infernale qui ne s’arrêtera pas, ce n’est rien d’autre qu’une course sans ligne d’arrivée, où chacun tente tout de même d’être le premier. Et j’ai envie de pleurer à chaque fois que j’y pense, même si je vois le feu d’artifice majestueux et plein de couleurs qui bat son plein devant moi, même si je vois les étoiles par ma fenêtre au milieu de la nuit, même si j’entends la si belle musique, celle qui peut rassembler des milliers de personnes. Oui, cette musique qui provoque en moi quelque chose de grand, plus grand encore que mon propre esprit, je le sens bien. Oui, je le sens que la musique que j’écoute occupe tout l’espace, qu’elle emplit mon corps et mon cœur de vie, d’amour et de tristesse, et que c’est la sensation la plus forte que je connaisse… Je vois ces belles choses, ces beaux paysages, ces belles expressions littéraires que certains écrivains, poètes qui se cachent, emploient pour décrire les plus petits détails. Je vois ces belles choses, et soudain je me souviens que ça ne rime à rien. Que je suis toute petite face à l’univers, qu’il y a trop de choses à savoir, à découvrir, qu’il y a trop de misère dans le monde et que je ne sais pas quoi faire, qu’il y a des gens quelque part qui sont en train de mourir seuls, que le monde roule à toute vitesse vers une destination qui n’existe pas. Je me souviens de ça, et je n’ai pas envie de vivre dans un monde pareil. Comment trouver une place dans cet univers qui n’avance que pour lui-même ? Comment contribuer à quelque chose qui n’a pas de fin ? Et pourquoi ? Pourquoi courir si l’on sait qu’il n’y a pas de ligne d’arrivée ? Oui, je suis là, sur ma chaise noire à roulettes, et je pense à ça. Au vide de l’immensité. A la vie.

Alors oui, j’ai envie de vivre. J’ai envie de voir des belles choses, de lire et de m’aimer. Mais je sais qu’au même titre que le Monde, il n’y a pas de but. Je suis née pour mourir dans plusieurs vingtaines d’années, et le seul but que je peux avoir est celui que je peux m’attribuer. Mais là, ça revient, cette impression d’être minuscule, et impuissante. Et je me demande qui je suis pour penser que je peux être une des meilleures personnes pour aider les gens ? Comment je peux penser que mes mots, mes actions, provoqueront chez quelqu’un une sensation de « mieux » ? Et quand j’ose effleurer dans une conversation avec quelqu’un qui m’est proche ces idées, oui, juste les effleurer, je vois bien dans leurs yeux qu’ils comprennent ce que je dis, mais qu’ils ne voient pas mon problème. Je vois bien qu’ils pensent que je n’ai pas confiance en moi, et que je suis en dessous de la réalité… Mais j’aimerais qu’ils voient bien dans les miens que je ne sais pas ce que je fous là, et que chaque jour, un peu plus, je me sens me vider de toute énergie. J’aimerais qu’ils voient dans mes yeux à quel point j’ai mal, et à quel point je hais ce sentiment de vide. Chaque jour un peu plus, je m’éteins, là, devant les yeux de ceux qui me côtoient, parce que j’ai envie de tellement de choses… Mais que je me sens si minuscule, si faible… Je m’éteins, je m’endors. J’ai envie des choses, mais plus le goût à rien, parce que je pense trop à ces choses qui n’ont pas de sens, qui ne rime à rien.

Et moi, jeune femme de 20 ans, je suis dans cette période où on se construit, où on devient adulte, où on commence à se construire une identité, où on emprunte certains chemins vers des destinations professionnelles plus ou moins établies… Moi, jeune femme de 20 ans, pour continuer sur la métaphore urbaine du tout début, je suis en train d’agrandir tout ce que j’avais construit depuis ma naissance, et même, aussi, ce qui était déjà construit à ma naissance. Je transforme les maisons en immeubles, ou j’agrandis les jardins, je construis des routes pour relier chaque foyer – les foyers de mes idées. Je suis dans cette période de grands changements. Jamais on ne s’arrête de construire, mais je crois que certaines périodes sont plus occupées que d’autres par ces réaménagements. Sauf que moi, tout s’effondre. Peut-être que le temps et les évènements avaient fragilisé les bâtisses. Peut-être que les fondations n’étaient, finalement, pas si résistantes, pas si fortes que cela. Toujours est-il que maintenant, c’est un champs de ruines et je ne sais plus qui je suis, ce que je veux, où je veux être, avec qui, ce que je voudrais devenir… Et chaque reconstruction fait face à un impossible. Dans la panique, toutes mes certitudes, et mon sentiment d’avoir les capacités pour construire quelque chose qui me ressemble, accompagnés de ma fierté, se sont enfermés dans un sous-sol aménagé sous terre, afin de les préserver. Le reste est sous les décombres, et il me faut déterrer chaque parcelle de mon âme. Toute seule. J’ai retrouvé la moitié de ma volonté coincée sous un arbre, et j’essaie de retrouver sa sœur quelque part, pour pouvoir redémarrer, pour faire revenir la lumière, et retrouver ce dont j’ai besoin.

Je sais que c’est une métaphore étrange et peut-être idiote, mais j’aime parler en métaphores. Ca rend mes problèmes un peu plus agréables à vivre. Et je peux vous assurer, à vous, qui que vous soyez, que j’ai envie de vivre, que j’ai envie de m’aimer et de m’en sortir, j’ai envie d’être fière de moi et de trouver une voie qui me conviendra. J’ai envie, et j’essaie, par petits pas, de retrouver le goût des choses. De vivre avec cette idée que la vie ne rime à rien, et qu’on est toujours seul à la fin de la journée. Mais je crois que ça  peut prendre un certain temps.

Et vous, vous qui lisez, n’hésitez pas à me raconter vos histoires. Qu’elles soient sans sens ou bien sensées. Qu’elles soient éclairée ou sur le point de s’éteindre, n’hésitez pas à exprimer vos idées.

Parce qu’il n’y a presque que ça pour se consoler.

(Et portez-vous bien.)

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L
Magnifique texte ! C'est à la fois beau et vrai, triste certes mais tu dis juste. Je me reconnais complètement dans ce que tu dis. Bravo à toi pour ce très beau texte :D J'espère qu'aujourd'hui tu sais maintenant un peu mieux où tu vas et que tu as mis de l'ordre dans toutes ces ruines :)
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